Place des femmes dans la mafia et l'anti mafia

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La place des femmes dans la mafia italienne a évolué dans le temps, leur représentation publique variant entre un statut de victime ou de perpétratrice. Après les années de plomb et l'emprisonnement des chefs de clan, elles prennent plus souvent la tête d'opérations criminelles, surtout depuis les années 1970. Il existe toutefois des différences entre les structures mafieuses : la Camorra de Naples, avec sa structure plus horizontale a davantage de femmes ayant joué des rôles majeurs, comme Rosetta Cutolo, Erminia Giuliano ou Maria Licciardi. Cosa Nostra et la 'Ndrangeta sont structurées davantages sur des clans familiaux, et plus patriarcales dans leurs structures. On compte très peu de repenties dans la 'Ndrangeta, où les entorses au code de l'honneur sont souvent punies par la mort, les femmes collaboratrices de justices souvent éxécutées violemment, comme Léa Garofalo, ou Maria Concetta Cacciola.

La première femme à témoigner contre la mafia est Serafina Battaglia en 1962. D'autres suivront pour des raisons diverses, comme assurer à leurs enfants un avenir sans violence ou échapper aux structures patriarcales et abusives de la mafia, bien que cela les oblige généralement à vivre sous protection policière.

Les femmes sont également présentes dans la lutte anti mafia comme la photographe Letizia Battaglia et la femme politique Piera Aiello, première parlementaire italienne élue sous le statut de repentie, également membre de la Commission parlementaire antimafia[1].

Sonia Alfano

Définition

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Une association mafieuse est définie par une loi italienne de 1982 élaborée pour lutter contre la mafia sicilienne et comporte certaines particularités : il faut que les crimes commis le soient dans différents domaines économiques, qu'il y ait une présence dans le secteur légal de l'économie et une volonté d'infiltration du système de l'État pour contrôler les élections. Ces traits fondamentaux forment le socle préalable qui permet d'imposer l'omerta et l'assujettissement des affiliés, qui prêtent serment selon un rituel bien défini[2],[3].

En Italie il existe quatre organisations mafieuses majeures : la Cosa Nostra en Sicile avec Palerme comme capitale, la 'Ndranguetta de Calabre, la Camorra de Naples en Campanie et la Sacra Corona Unita dans les Pouilles[4]. Dans ces quatre organisations, qui sont organisées et structurées de façon diverses, les femmes ont eu des rôles différents[4],[5].

Place traditionnelle des femmes

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La tradition patriarcale des mafias italiennes les cantonnent dans un rôle de mères et d'épouses, tandis que les autorités judiciaires les perçoivent tantôt comme victimes, tantôt comme perpétratrices[4]. Bien qu'elles ne puissent en raison de leur genre prétendre à un statut formel dans les organisations mafieuses, les femmes ont été actives de manière indirecte à travers la transmission de la culture et des valeurs mafieuses notamment par l'éducation de leurs enfants, et de manière directe quand les hommes de leur famille étaient emprisonnés, passant des messages et accédant parfois à des rôles importants au sein des organisations criminelles[4][6].

La recherche, l'industrie cinématographique et la médiatisation de l'influence des mafias italiennes ont généralement mis en lumière le rôle et les actions des hommes de la mafia, cantonnant les femmes à des rôles traditionnels de mères et d'épouses passives, n'ayant aucun rôle criminel[4].

Poids des traditions et du code d'honneur

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Les mafias italiennes inscrivent leurs activités dans une société profondément catholique, où les femmes sont cantonnées à la sphère domestique. En Italie du Sud, particulièrement en Sicile, avoir une femme qui travaille était mal considéré, car cela signifiait généralement que sa famille était pauvre[4].

Dans les sociétés mafieuses italiennes un poids prépondérant est accordé au code d'honneur, un système genré distinguant code d'honneur masculin et féminin, caractéristique que l'on retrouve dans de nombreuses autres sociétés, même si dans une grande partie d'entre elles l'utilisation de la violence pour défendre cet honneur est déconsidérée[7]. La prégnance de ce code d'honneur, qui insiste sur l'honneur familial, associé à l'omertà, la loi du secret et du silence, se retrouve aussi bien dans la Camorra[7] que dans la Cosa nostra[8] ou la 'Ndrangheta[9]. Ce code de l'honneur affecte la vie privée de chacun des membres d'une famille, même si ces personnes ne font pas partie de l'organisation criminelle. Ainsi les hommes de Cosa Nostra ne doivent pas prendre pour épouse une femme prostituée, alors que cela était admis dans la Camorra[10], et aux tout débuts de la 'Ndrangheta. Un chef doit savoir préserver l'honneur des femmes de la famille pour prouver qu'il sait commander sous son propre toit, ce qui lui donne une aura de respectabilité en tant qu'homme d'honneur pour asseoir sa légitimité en tant que chef[8]. Les femmes sont considérées comme peu fiable en général, et capables de révéler des secrets surtout si l'on s'en prend à leurs fils, et elles ne doivent donc rien savoir des affaires courantes, même si de fait, leur proximité familiale leur permet de savoir bien des choses[8]. Elles sont considérées comme faisant partie des possessions du chef de famille, et il est interdit à un homme d'honneur de voler la femmes ou les biens d'un autre[11].

Un homme d'honneur est aussi tenu de vivre dans un mariage habilité par l'organisation, généralement avec une jeune femme vierge d'une autre famille mafieuse, et de ne pas avoir de relations extra conjugales, car une maitresse pourrait le trahir, alors qu'une épouse légitime n'a pas intérêt à le faire. Qui plus est une femme jalouse pourrait se venger en révélant des secrets à la police[12].

Rôles dévolus aux femmes dans les organisations mafieuses

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Le rôle des femmes dans la mafia a longtemps été négligé en raison du sexisme même des magistrats et des médias, les réduisants à des femmes cantonnées aux rôles domestiques, soumises à la loi de l'Omerta, n'ayant aucune part active dans les organisations criminelles des hommes de leur familles[5].

On les a longtemps cantonnées au rôle de victimes, et dès lors également moins condamnées jusque dans les années 1990. Elles ont été perçues comme de pauvres femmes piégées dans des organisations criminelles et vouées à perdre leurs fils, époux, frères et pères alors qu'elles étaient cantonnées impuissantes à la sphère domestique[13].

Transmission des valeurs culturelles
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Les hommes appartenant à la mafia sont rarement présents dans leurs foyers, et dès lors ce sont les femmes surtout qui transmettent l'histoire et l'idéologie et la culture mafieuse à leurs enfants[5],[14]. Elles sont censées représenter la façade respectable de leur famille[13]. Or quand les hommes de leur familles sont absents, en prison ou en fuite, ce sont elles qui transmettent la tradition de l'omerta et du code de l'honneur[13].

Nino Rizzo issu d'une famille mafieuse dont il s'est éloigné pour devenir psychanaliste, décrit dans son ouvrage La Mafia sur le divan les femmes de Cosa Nostra, sœurs, et épouses qui bien que peu visibles ont de l'influence «dans la perpétuation même de l’association mafieuse», transmettant les valeurs de Cosa Nostra. Elles entendent bien des informations mais ne révèlent rien[15].

Initiatrices des appels à la vengeance
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Un des autres grands rôles dévolus aux femmes dans les familles est d'appeler leurs fils à venger leurs pères lors des faides. Ce rôle est tellement imprégné dans la culture, qu'elle a donné lieu à des chansons comme Ninna Nanna Malendrinedu, une berceuse traditionnelle calabraise transmise dans le milieu de la 'Ndrangeta[16],[17] :

« Tu dois grandir et tu dois grandir vite mon fils, l'honneur de la famille tu dois maintenir, mon fils, tu dois venger ton père ».

La fille de Ninetta Bagarella et Toto Riina, Lina Riina par exemple, a ouvert un restaurant, Le Corleone à Paris[18] et elle se déclare fière de porter le nom de son père, comme tout enfant aimant ses parents et élevé dans la foi catholique[19].

Porteuses de messages
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Exemple de pizzino de Bernardo Provenzano.

Lorsque les hommes de leur familles sont emprisonnés, leurs épouses deviennent de par leurs droits de visite des messagères privilégiées transmettant les pizzino ou déchiffrant les langages non verbaux codés au parloir ou pendant les procès[5],[20].

Les mères, épouses, filles et sœurs bénéficient en général d'un accès au parloir des hommes de leur famille qui sont emprisonnés et sont les seules en capacité de transmettre des informations pour assurer la liaison entre les chefs et leur clan[13]. En échange le clan pourvoit à leurs besoins et les protège. Ainsi certaines femmes préfèrent voire leurs maris condamnés à la prison à vie, plutôt que de les voir trahir leur clan ce qui signifierait pour elle la perte de leur statut[13].

Changements au XXème siècle

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Influence de l'évolution économique et sociale

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On constate toutefois une importance croissante du rôle des femmes dans les mafias italiennes en raison de plusieurs facteurs historiques. Le premier tient à l'impact du mouvement de libération des femmes dans la société italienne et l'entrée des femmes dans le marché du travail. Dans la société italienne, la part des femmes employées passe de 27.4% à 34% de 1972 à 1989 propulsée par le développement des industries de services et l'informatique[21]. L'industrie tertiaire est plus flexible en terme d'horaires, facilitant pour les mères la réconciliation du travail des sphères domestiques et professionnel[21]. La part des femmes augmente dans le secteur bancaire, commercial, et les services privés et publiques. Cet engagement des femmes est rendu possible également par la baisse du taux de natalité et le niveau d'éducation plus élevé des femmes[21].

La situation évolue de la même façon dans les structures mafieuses : la transition des activités, qui passent de de l'extorsion de fonds au trafic de drogue dans les années 1970, demande un personnel plus spécialisé en comptabilité que par le passé, avec la nécessité de blanchir l'argent et de rentrer dans la sphère légale. Certaines femmes se forment et obtiennent même des diplômes[4].

Disparition des hommes après les années de plomb

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Les opérations policières menées contre la mafia sicilienne après les années de plomb (1960-1990) ont aboutit à l'emprisonnement ou la cavale des chefs des clans, obligeant alors les femmes de leur famille à mener leurs affaires en leur nom[4].

L'une des raisons pour lesquelles les femmes pèsent dans l'organisation des mafias, est que la famille d'un homme qui est arrêté, s'il respecte le code d'honneur et ne parle pas, a droit à un soutien financier de son organisation. Ainsi les épouses sont souvent celles qui refusent absolument que leur époux devienne un repenti, et elles sont envoyées par l'organisation pour faire pression sur les pentiti potentiels afin de les pousser à se rétracter[6]. Il n'est pas rare non plus de les entendre protester violemment lors du procès d'un de leur proche repenti afin de clamer publiquement leur désaveu pour ne pas risquer l'opprobe[22]. Ces femmes n'étaient pas jugées jusque dans les années 1990, même s'il reste difficile de prouver les intentions de ce type de comportements, quand le rôle d'une femme au foyer est invisibilisé[22].

Avenir des enfants

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Protection contre les violences conjugales et familiales

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Liberté d'avoir des relations en dehors du mariage

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Cosa Nostra en Sicile

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Traditionnellement il y a six critères à respecter pour pouvoir être admis en tant qu'affilié dans la Cosa Nostra[23]. Premièrement être Sicilien, deuxièmement être un homme hétérosexuel et troisièmement venir d'une famille considérée comme décente (les parents ne doivent pas être divorcés, les hommes doivent protéger l'honneur des femmes de leur famille et donc elles doivent se marier vierges et être fidèles à leurs maris). La quatrième condition est de ne pas compter dans sa famille de membres « inappropriés » tels que des policiers, des juges et même des postiers ou des sapeurs pompiers. Il faut également n'avoir jamais eu recours à la justice pour régler une injustice, car il faut être capable de faire respecter ses droits seul. La cinquième condition est d'avoir une discipline exemplaire, et donc de n'être ni alcoolique ni d'avoir une addiction d'aucune sorte qui pourrait impacter négativement la capacité d'agir et le discernement. Enfin la dernière condition est d'avoir du courage et des nerfs suffisamment solides pour pouvoir commettre des crimes et tuer de sang froid[24].

Emanuela Gelardi est considérée comme la doyenne des «marraines» de Cosa Nostra[25],[26].

Palais de justice oú s'est déroulé le Maxi procès

Lors du maxi-procès de Palerme de 1986, la justice italienne a pris conscience de la nécéssité de séparer les futurs repentis de leur familles. Une assemblée de femmes s'étaient réunies sur le balcon du tribunal et hurlaient « Ce n’est pas mon mari! Ce n’est pas mon frère! »[13],[5]. Les repentis ont tendance à changer d'avis après avoir été mis en contact avec leurs femmes[13].

Mariangela Di Trapani, arrêtée en décembre 2008 pour sa participation à Cosa Nostra, transmettait les messages de son époux (fils de Francesco Madonia), condamné pour le meurtre de Libero Grass. À sa libération elle devient La Padrona (La Patronne) de la mafia sicilienne[27],[28]. Après la mort de Toto Riina et l'incarcération de nombreux chefs mafieux, elle est soupçonnée d'entreprendre la réorganisation des clans de la Cosa Nostra[29],[30]. La justice la poursuit pour association mafieuse, extorsions (le pizzo) à Palerme. Le , les carabiniers l'arrêtent dans l'opération anti-mafia baptisée « Taléa »[31],[32],[33].

Camorra à Naples

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Pupetta Maresca

Les clans camorristes ont un fonctionnement moins vertical que les autres mafias italiennes, et les femmes ont pu prendre des rôles importants malgré la culture patriarcale de la Camorra[10].

Selon Roberto Saviano les femmes sont toujours présentes dans les dynamiques de pouvoir des clans de la Camorra[22]. L'une d'entre elles, Anna Mazza (it) était très influente, et avait fait assassiner le meurtrier de son mari par son propre fils[13].

Pupetta Maresca née à Castellammare di Stabia le et morte dans la même ville le [34], est une ancienne reine de beauté qui est devenue une figure de la Camorra. Elle fait « la une » des journaux internationaux au milieu des années 1950 lorsqu'elle a tué par vengeance le mandataire du meurtre de son mari. Elle a ensuite été très active dans le milieu camorriste, allant jusqu'à donner des conférences de presse

Rosetta Cutolo dans l'organigramme de la Nuova Camorra Organizzata.

Rosetta Cutolo (1937-2023) cheffe de la Nuova Camorra Organizzata sœur de Raffaele Cutolo, elle dirige après l'emprisonnement de ce dernier[6].

Erminia Giuliano, née en 1955 et rivale de Rosetta Cutolo est une membre du clan Giuliano clan de la Camorra, basé dans le district de Forcella à Naples surnommée Celeste. Son frère Luigi Giuliano (en) est devenu repenti. Nuova Famiglia.

Maria Licciardi a été l'une des cheffes régente du Clan Licciardi et de l’Alliance Secondigliano à Naples. Elle a exercé son autorité dans la Camorra dans la ville de Naples de 1993 jusqu'à sa première arrestation en 2001[35]. À sa libération, elle reprend ses activités criminelles, avec un rôle plus discret. Depuis 2023, elle purge une peine de 12 ans, de prison à L'Aquila et est soumise au régime prévu par l'article 41-bis (en) du système pénitentiaire italien pour les membres de la mafia[36].

Rosaria Pagano sœur de Cesare Pagano, veuve de Pietro Amato, frère de Raffaele Amato. est arrêtée le 17 janvier 2017[37]. Elmelinda Pagano, femme de Raffaele Amato, qui gère une partie de ses entreprises, est arrêtée le [38],[39].

'Ndrangueta en Calabre

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La 'Ndrangheta est une structure mafieuse italienne qui est restée longtemps méconnue des autorités et du grand public en Italie, et qui a profité du recul de la mafia sicilienne après les grandes opérations policières menée contre Cosa Nostra après l'assassinat des juges Giovanni Falcone et Paolo Borsalino[6]. Souvent apellée l'honorable société, les dirigeants se réunissent une fois par an au sanctuaire de la Madonne de Polsi[2]. L'organisation s'est peu à peu structurée en clan familiaux privilégiant les liens de sang, de façon beaucoup plus traditionnelle que Cosa Nostra, organisée en clan géographiques dans une structure très hiérarchique[10]. Elle est régie par des règles beaucoup plus dures et nombreuses que les autres mafias et perpétue pour les femmes des règles qui vont du mariage forcé à la totale soumission, sous peine de mort. Les fils sont élevés pour devenir des criminels mafieux, et les filles servent par leur mariages des stratégies matrimoniales de renforcement des liens familiaux entre 'Ndrina. Les liens du sang sont considérés comme sacrés et ne peuvent être rompus pour aucune raison. La collaboration avec la justice, la rebellion contre sa famille, les adultères sont considérés comme une trahison inacceptable et une infraction au code de l'honneur et punis de mort[40],[41],[42]. La notion de fidélité est portée à son maximum, et perdure au-delà de la mort du conjoint. Ainsi, Giuzy Pesce, une « repentie », indique qu'une cousine de son père, Annunziata, a été assassinée 30 ans plus tôt, pour avoir eu des relations avec un gendarme, peu important qu'elle ait été encore mariée ou veuve[43].

Les meurtres de femmes pour des questions de code de l'honneur et les violences perpétrées contre celles qui se rebellent sont plus nombreux dans la 'Ndrangheta, ce qui a poussé des magistrates comme Alexandra Cerretti à mettre en place des collaborations avec des femmes issues de ces familles mafieuses calabraises pour leur permettre d'échapper aux violences qu'elles subissaient, avec la crainte que leurs enfants soient entrainés à leur tour[6]. Le but pour la justice italienne étant d'utiliser le machisme et la violence contre les femmes pour tenter certaines d'entre elles à devenir des repenties[6].

Premières collaboratrices avec la justice

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Léa Garofalo : les manques du programme de protection des témoins
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Léa Garofalo.

La première d'entre elles, Lea Garofalo est enlevée et assassinée en 2009 par son époux Carlo Cosco après avoir tenté de collaborer avec la justice. Elle n'avait pas pris part à des activités criminelles et n'était donc pas aussi bien protégée par la police qu'une repentie. Lasse de la précarité de sa situation, elle finit par se rapprocher du père de sa fille Denise pour pouvoir subvenir à leurs besoins. Elle est alors battue et incinérée par le futur petit ami de Denise. Cette dernière, mineure est forcée de retourner vivre avec son père tout en sachant que c'est lui le meurtrier de sa mère[6]. Les autorités judiciaires après la mort de Léa Garofalo prennent conscience des lacunes du programme de protection policière pour les femmes issues de clan mafieux qui ne sont pas des criminelles et qui dès lors ne peuvent prétendre au même programme de protection policière que les repenties. Les informations données par Léa Garofalo n'ont pas non plus été utilisées ni jugées assez crédibles par la police, alimentant de part et d'autre une suspiscion qui a abouti à l'exclusion de Léa Garofalo et de sa fille Denise du programme de protection et son retour auprès de son mari[6].

Maria Concetta Cacciola : la protection nécéssaire des enfants de témoins
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Maria Concetta Cacciola (1980-2011) de Rosarno est morte assassinée par ingestion d'acide par sa famille le 20 août 2011 à Rosarno pour avoir collaboré avec la justice contre sa famille[44],[45],[6]. Sa famille prétend par la suite qu'elle est morte suite au harcèlement de la police pour qu'elle collabore. Ses parents sont condamnés également pour la maltraitance infligée aux trois enfants de Maria Concetta Cacciola, afin de forcer leur mère à revenir sur ses déclarations[6]. Le cas de Maria Concetta Cacciola est emblématique des violences que subissent les femmes dans la 'Ndrangeta, mais aussi du danger qu'elles représentent pour leur familles si elles collaborent avec la justice, ce qui en somme signifie que si les femmes se rebellent, le système s'éffondre[46]. La justice italienne prend conscience après la mort de Cacciola de l'importance de séparer les enfants de leur famille mafieuse afin qu'elle ne soit pas en mesure d'exercer un chantage sur les éventuelles collaboratrices de justice. Quand les les enfants restent dans la famille mafieuse, les mères finissent tôt ou tard par reprendre contact et peuvent être soumise à des chantages pour faire en sorte qu'elles se rétractent[40],[47].

Giuseppina Pesce
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Giuseppina Pesce collabore également en 2010 avec les autorités, ce qui aboutit à de nombreuses arrestations dans le clan des Pesce[44]'[48]'[49].

Francesca Bello est assassinée par son propre fils[4].

Rôle des femmes dans la lutte anti mafia

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Francesca Serio.
Exposition des photographies de Letizia Battaglia (MAXXI, Rome)

La recherche et les autorités judiciaires ont généralement considéré au 20ème siècle que les femmes étaient exclues de ce qui constituait les affaires publiques concernant la mafia, considérée comme une affaire d'hommes. D'un autre coté, l'investissement des femmes contre les sociétés mafieuses peut cependant être retracé depuis les fasci siciliens (1892-1894)[50],[51]. Quand la Mafia retrouve une certaine influence après sa répression sous l'ère du fascisme mussolinien, la lutte avec les mouvements syndicalistes et socialistes reprend et suite à de nombreux assassinats dont les coupables ne sont pas même recherchés, des femmes siciliennes se rebellent publiquement pour la première fois : Francesca Serio en 1955 et Serafina Battaglia en 1960[52]. Franca Viola, devient célèbre dans les années 1960 pour avoir refusé un « mariage réparateur » avec son bourreau mafiosi après avoir été enlevée et violée[53].

Michela Buscemi.

Une reporter photographe, Letizia Battaglia entreprend de photographier la violence dans les rues de Palerme afin de la démystifier[54], pour contrecarrer l'image romantisée et factice de la mafia promue par des films tels que Le Parrain (1972) de Francis Ford Coppola[55]. Battaglia produit de ombreuses photographies en noir et blancs de cadavres ensanglanntés de personnes assassinées dans les rues, qu'elle va même utiliser dans des affichages sauvages dans les rues de Palerme[56],[55].

La première association de lutte anti mafia, l'Association des femmes siciliennes pour la lutte contre la mafia est créée en 1984 et ses membres sont des femmes[52].

Maria Falcone (it) Presidente de la Fondazione Falcone

Dans les années 1980, les premiers mouvements de protestation de masse voient le jour, suite aux assassinats des juges Giovannni Falcone et de Paolo Borselino : Comité des draps et femmes du jeûne (1992)[52].

Piera Aiello en 2018.

En 1985 Michela Buscemi est la première à se porter partie civile contre la Mafia pour le meurtre de son frère.

Piera Aiello, une repentie est nommée présidente de l'association anti-mafia Rita Atria en , et en 2016, présidente d'honneur de l'association à but non lucratif et d'utilité publique antimafia et antiracket « Paolo Borsellino » de Marsala. En 2017 elle est élue présidente de l'association antimafia et antiracket « La verità vive »[57].

Bibliographie

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Références

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Liens externes

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