Maria Licciardi

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Maria Licciardi
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Biographie
Naissance
Voir et modifier les données sur Wikidata (73 ans)
NaplesVoir et modifier les données sur Wikidata
Surnoms
La Piccolina, La Madrina, La PrincipessaVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activité
Fratrie
Autres informations
Condamnée pour

Maria Licciardi est une criminelle italienne née le à Naples. Elle est la première femme régente du Clan Licciardi et patronne de l’Alliance Secondigliano, affiliée à la Camorra. Elle dirige ces factions mafieuses de 1993 jusqu'à sa première arrestation en 2001[1].

À sa libération, elle reprend ses activités criminelles, avec un rôle moins défini. La police l'arrête de nouveau à l'aéroport de Ciampino, le [2],[3].

Surnommée « La Madrina » par ses subordonnés, elle est également appelée « La Piccolina  » , en raison de sa petite taille. Parmi les femmes de la Camorra, elle est considérée comme « La Princesse », du fait de ses rôles dans l'organisation[4].

Le , elle est condamnée à une peine de 12 ans et huit mois d'emprisonnement ferme à L'Aquila, soumise au régime prévu par l'article 41-bis du système pénitentiaire italien[5].

Enfance et Vie privée

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Maria Licciardi nait et grandit dans une famille mafieuse affiliée à la Camorra à Secondigliano, le fief traditionnel du Clan Licciardi. Son père fait partie des chefs locaux de la Camorra et son frère, Gennaro Licciardi, est un membre fondateur de l'Alliance de Secondigliano, une coalition entre de clans de la Camorra. Cette coalition exerce son diktat sur le trafic de drogue et l'extorsion dans plusieurs quartiers de Naples[4],[6].

Maria épouse Antonio Teghemié, également membre de la Camorra[7].

Règne dans la mafia

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Maria Licciardi dirige le clan famlial après l'arrestation de ses deux frères Gennaro et Vincenzo Licciardi puis de son mari Antonio. Elle devient alors la première femme cheffe du clan Licciardi et de l'Alliance Secondigliano[8],[9].

Elle entreprend le renforcement de clans camorristes afin d'étendre leurs activités de rackets et de trafic de drogue au proxénétisme, jouant un rôle clé dans l'expansion du marché du trafic de drogue dans la ville. Sous sa direction, l'Alliance Secondigliano devient plus organisée, discrète et sophistiquée[10].

Maria Liaciardi réalise plusieurs réformes dans son clan. D'abord, sa décision d'extension des activités du clan au proxénétisme est perçue comme une révolution. Car, auparavant, les quatre grandes mafias italiennes éprouvent de la réticence à s'engager dans ce domaine[11].

Avec elle, la Camorra conclut plusieurs accords avec la mafia albanaise en vue de conduire des femmes à la prostitution, par un versement d'environ 2 000 euros à chacune d'entre elles[12].

Les trafiquants albanais manipulent de pauvres jeunes en leur promettant un emploi légal et décent en Italie. Mais, une fois arrivées, elles sont plutôt réduites en esclaves sexuelles livrées aux hommes de la Camorra ou contraintes à la prostitution. Beaucoup de ces jeunes femmes sont mineures, souvent poussées à consommer de la drogue jusqu'à la dépendance, pour empêcher leur évasion ou la tentation de collaborer avec la justice en cas d'arrestation. L'organisation voit ses revenus augmenter avec le proxénétisme[13],[14].

Quand ces femmes vieillissent ou ne sont plus en mesure d'exercer dans le proxénétisme, les camorristes les font disparaitre[15].

Corruption des repentis

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Maria Liciardi tente de limiter les témoignages des repentis contre le clan en essayant de corrompre le collaborateur de justice, Costantino Saropochi, pour l'invalidation des témoignages. Mais, après l'éclatement de l'affaire par la police, une division s'observe, de ce fait, au sein de l'Alliance de Secondigliano[16].

En janvier 1998, Maria Licciardi est arrêtée aux abords de son véhicule en possession d'environ 300 milions de lires (environ 150 000 euros) par la police lors d'un contrôle de routine. Le ministère public cible l'agent Saropochi Licciardi comme le potentiel destinataire. Mais, Maria ne dévoile pas la source et la destination de cet argent et se cache après sa libération[16],[17].

Faide et répresailles policières

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Maria Liciardi exerce sa régence sans difficulté durant des années, jusqu'en 1999 où un lot d'héroïne pure et brute l'oppose aux membres de l'Alliance Secondigliano[18].

Elle interdit la vente sur le marché d'une cargaison d'héroïne venue d'Istanbul à destination des centres de trafic de drogue de Naples. Selon elle, l'héroïne est non raffinée et trop forte, donc potentiellement mortelle, estimant que chaque décès par overdose représente un client de moins ainsi qu'une publicité gênante pour les affaires du clan. Cependant, le Clan Lo Russo dont les hommes sont frustrés par son autorité, viole sa décision en procédant à la vente[19].

Après la consommation, ces lots d'héroïne entraînent au moins 11 morts parmi les toxicomanes de Naples, en avril 1999. Face à l'indignation du public, la police lance une répression massive contre les activités des clans de la Camorra. De nombreux membres sont alors arrêtés puis condamnés[20].

Une guerre des gangs se déclenche, alors, sous fonds de retrait du Clan Lo Russo, avec l'utilisation de voitures piégées et de bazookas. Maria décide de riposter en mobilisant ses subordonnés à l'assassinat de quatre criminels de son clan[21].

Une confrontation meurtrière s'ensuit faisant près de 120 morts à Naples et dans ses environs. Les autorités prennent alors au sérieux la dangerosité de Maria Licciardi[22].

Ainsi, le parquet italien l'inscrit sur la liste des personnes les plus recherchées. Mais, elle se cache avec l'aide de son clan, s'échappant à la police pendant deux ans sans quitter Masserana Cardone. Elle y exerce son autorité de cheffe incontestée du clan Licciardi, ordonnant systématiquement l'élimination des membres des clans rivaux. Elle ouvre aussi un front contre le clan Giuliano de Forcella, gouverné par une femme, Erminia Giuliano[23].

Le procureur général, Luigi Bobbio, amorce le démantèlement de son clan quand, en janvier 2000, elle fait exploser une bombe près du bâtiment de ses bureaux. Bobbio poursuit, néanmoins, ses investigations contre la Camorra sous protection policière, ce qui aboutit à l'arrestation de plus de 70 membres du clan. Ils refusent toute collaboration avec la justice en acceptant de purger la totalité de leur peine de prison[21].

La police tente plusieurs fois en vain d'appréhender Maria Liciardi. En avril 2000, les carabiniers arrêtent, dans une ferme rurale, 13 chefs de la Camorra participants à une réunion sur le blanchiment des fonds du clan dans une chaîne de magasins de meubles et de vêtements pour enfants. Cependant, les agents de la police ne la retrouvent pas à cette réunion[18].

Le , la police déclenche une vaste opération terreste et aérienne autour du quartier Secondigliano pour la capturer. Suite à des renseignements, ils entrent par effraction dans un bâtiment délabré notoirement utilisé comme cachette sans la retrouver. Elle découvre plutôt un grenier surveillé par des caméras, avec un piano à queue et une baignoire d'hydromassage[24].

Ses exploits répétitifs contre la police incitent les journalistes locaux à la surnommer La Primula rossa d'Italia (« le mouron écarlate d'Italie », en français)[25].

Arrestations

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Première arrestation

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Le , elle est arrêtée par la police napolitaine au cours d'un voyage avec un couple dans une voiture près de Melito. Elle est immédiatement placée en garde à vue. Parmi le couple, l'homme est arrêté pour complicité tandis que sa femme, mère d'un enfant, est libérée[23].

Son frère Vincenzo Licciardi, figurant sur la liste des fugitifs les plus recherchés d'Italie depuis 2004 lui succcède avant d'être arrêté, à son tour, le [26].

Depuis la prison, Maria Licciardi continue de diriger le clan. Selon Anna Maria Zaccaria, sociologue à l'Université Federico II de Naples qui étudie le rôle des femmes dans la criminalité, les prisons italiennes ne représentent pas à tous égards une barrière efficace contre la Camorra[27].

En 2009, Maria Licciardi recouvre sa liberté après huit ans de détention[28].

Le , elle réussit à s'échapper à une opération anti-Camorra menée par la justice et les forces de l'ordre contre l' Alliance Secondigliano, redevenant une fugitive[29].

Le , le tribunal de Naples annule l'ordre de détention provisoire contre Maria, considérant les questions juridiques soulevées par son avocat, Dario Vannetiello[30].

Elle est ainsi considérée comme une femme libre de ses mouvements malgré son rôle bien connu à la tête de l'Alliance Secondigliano[31].

Deuxième arrestation

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Le , à la résurgence des preuves sur sa reprise d'activité, les carabiniers l'arrêtent à l'aéroport de Ciampino lors de son vol pour Malaga. Elle informe la police avoir entrepris son voyage pour rendre visite à sa fille, résidant en Espagne, mais les enquêteurs soupçonnent que grâce à son réseau d'informateurs, elle est au courant de son imminente arrestation et veut s'enfuir à l'étranger soit pour rencontrer des trafiquants espagnols afin d'établir de nouvelles relations commerciales entre l'Espagne et son clan[32].

Le , le tribunal de Naples, la condamne à 12 ans et huit mois de prison ferme[33],[34],[35].

Témoignages

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Contrairement, à la majorité des chefs, Maria mène ses activités dans la clandestinité et la discrétion pour échapper aux soupçons des autorités. Quand son rôle devient connu du public quelques années plus tard, un agent de la justice la définit comme une femme au charisme d'acier[4]. Elle est également appréciée pour son habileté et sa ruse, selon des sources policières. Elle adopte une approche froide et calculatrice dans ses entreprises criminelles, en s'inspirant de Rosetta Cutolo, sœur de Raffaele Cutolo, chef de la Nuova Camorra Organizzata[36].

Sous sa régence, le clan Licciardi se fait la réputation d'échappatoire au chômage pour les jeunes du quartier, en renouvelant l'ancienne coutume des criminels consistant à accomplir occasionnellement des œuvres caritatives en faveur des nécessiteux[15].

Questionné sur le rôle de Maria Licciardi et des femmes de l'Alliance Secondigliano, au tribunal, le repenti Gaetano Guida répond qu'elles « constituent l'épine dorsale ». Il ajoute que c'est Maria qui reçoit et transmet les meurtres à gages de son frère détenu, Gennaro, jouant de nombreux rôles influents dans l'organisation[37].

Lucia Licciardi, sans lien de parenté avec Maria[38], est la seule journaliste à avoir accès à son entourage. Dans une interview, elle décrit Maria Licciardi comme « la directrice d'une entreprise multinationale », qui « cherche toujours une solution qui a le moins de chance d'attirer l'attention de la police et de créer des divisions au sein du clan »[39]. Selon le juge Luigi Bobbio[37] :

« Dès qu'une femme prend en charge l'organisation, on assiste paradoxalement à une baisse du niveau d'implication émotionnelle et à une meilleure performance des activités du groupe »

Articles connexes

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Notes et références

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Références

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  1. Italian Mafia Sees Rise of Girl Power, ABC News, June 20, 2001.
  2. (it) « Camorra, la superboss Maria Licciardi fermata all'aeroporto: duro colpo all'Alleanza di Secondigliano », sur la Repubblica, .
  3. (en) « Maria Licciardi: Suspected female mafia boss dubbed the 'godmother' arrested while trying to board flight from Rome to Spain », sur Sky News (consulté le )
  4. a b et c « Godmother sends deadly message to her Mafia rivals », sur www.telegraph.co.uk.
  5. (it) « Maria Licciardi al carcere duro: 41bis per la Piccerella, boss dell’Alleanza di Secondigliano », sur Napoli Fanpage.
  6. (it) Redazione Occhio Notizie, « Camorra: il clan Licciardi | La storia, le origini, i protagonisti », sur Occhio Notizie, (consulté le )
  7. Maria Licciardi got arrested, La Repubblica, June 15, 2001 (translated version).
  8. (it) « Chi è Maria Licciardi, a’ Piccerella che comanda il clan di Secondigliano », sur lespresso.it, (consulté le )
  9. (it) « Chi è Maria Licciardi, a’ Piccerella che comanda il clan di Secondigliano », sur lespresso.it, (consulté le )
  10. Behan, See Naples and Die, pp. 263
  11. « The Godmother | Journeyman Pictures », sur www.journeyman.tv (consulté le ).
  12. (en) Marwa Hassan, « Top woman mafia boss who inspired TV series Gomorrah is jailed in Italy », sur The National (consulté le ).
  13. Nawal Bensalem, « La mafia albanaise, toujours plus puissante : "les Albanais en sont la première victime" », sur DHnet, (consulté le ).
  14. Sébastien Ponciau, « Entre cocaïne, cannabis et prostitution, la mafia albanaise monte en puissance : "Ils sont partout en Belgique " », sur La Libre.be, (consulté le ).
  15. a et b Tom Behan et Fabio Calvi, Enquête sur la Camorra : Naples et ses réseaux mafieux, Paris, Autrement, coll. « Collection Autrement frontières », , 258 p. (ISBN 9782746704411), p. 163
  16. a et b Fiandaca, Women and the Mafia, p. 15.
  17. (en) Asmita, « Who Is Maria Licciardi? Italian Mafia Boss Gets Arrested », sur www.shethepeople.tv (consulté le ).
  18. a et b (en-US) « María Licciardi: The Lady of Camorra », (consulté le )
  19. phulan_devi, « Maria Licciardi », sur r/Mafia, (consulté le ).
  20. Italy's most wanted Mamma, The Guardian, June 30, 2000.
  21. a et b (en-US) « Profile of Camorra boss Maria Licciardi », sur Gangsters Inc. | www.gangstersinc.org, (consulté le ).
  22. « Dailymotion », sur www.dailymotion.com (consulté le )
  23. a et b (en-US) Sabina Lama, « Who is Maria Licciardi? Net worth, Movies, Child Daughter, Age, Biography, Husband, Family, Arrested at Rome Airport », sur LatestCelebArticles, (consulté le ).
  24. (cs) Mahulena Kopecká, « Kmotra italských mafiánů putuje za mříže. Kdo je Maria Licciardi? », sur investigace.cz, (consulté le )
  25. (en) « The godmothers calling the shots in the Naples mafia », sur The Independent, (consulté le )
  26. « Vincenzo Licciardi, mafioso capturé », sur Libération (consulté le )
  27. Godmothers rise on Naples crime turf, The Associated Press, August 19, 2009.
  28. (it) « Fine pena, scarcerata Maria Licciardi », sur Archivio - la Repubblica.it, 27 dicembre 2009.
  29. (it) « Blitz Secondigliano, Maria Licciardi ‘a piccerella è in fuga », sur Napoli Fanpage, (consulté le ).
  30. (en-US) Sabina Lama, « Who is Maria Licciardi? Net worth, Movies, Child Daughter, Age, Biography, Husband, Family, Arrested at Rome Airport », sur LatestCelebArticles, (consulté le )
  31. (it) « Annullata l'ordinanza di custodia cautelare, Maria Licciardi è libera », sur stylo24.it, 12 luglio 2019.
  32. « Italie: arrestation de la « Piccerella », une cheffe de la mafia napolitaine », sur RFI, (consulté le ).
  33. https://www.tgcom24.mediaset.it/cronaca/lady-camorra-maria-licciardi-condannata_62324490-202302k.shtml.
  34. « Italie: Douze ans pour une cheffe de la mafia napolitaine », lematin.ch,‎ (ISSN 1018-3736, lire en ligne, consulté le ).
  35. « Italie : 12 ans de prison pour une cheffe de la mafia napolitaine », sur Le Figaro, (consulté le ).
  36. (en) « Godmother sends deadly message to her Mafia rivals », sur The Telegraph, (consulté le )
  37. a et b « Special Broadcasting Service :: Dateline - presented by George Negus », sur web.archive.org, (consulté le )
  38. « PressReader.com - Digital Newspaper & Magazine Subscriptions », sur www.pressreader.com (consulté le )
  39. (it) Redazione, « Annullata l’ordinanza di custodia cautelare, Maria Licciardi è libera », sur Stylo24 - Ultime Notizie su Napoli e la Campania, (consulté le ).

Bibliographie

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  • (en) Tom Behan (ed.), See Naples and Die: The Camorra and Organized Crime, Taurus Publishers, (ISBN 978-1-860-64783-3, lire en ligne)
  • (it) Giovanni Fiandaca, Donne e mafia: ruoli femminili nelle strutture della criminalità organizzata, New York, Springer, (ISBN 0-387-36537-0)